Le Mal

Poème écrit par Arthur Rimbaud (1854-1891) en 1870 (guerre franco-prussienne, chute du second Empire après la capitulation de Sedan et perte de l’Alsace et la Lorraine) il fait partie du premier Cahier de Douai confié par son auteur adolescent, au retour d’une fugue, à Paul Demeny, qui l’a un peu oublié, il aurait été publié en 1891.

Rudolf Escher – Univers de Rimbaud (Ténor : Jean Giraudeau)

J’ai été très étonnée de recevoir (merci à MP qui se reconnaîtra), fort à propos, une photographie d’une page manuscrite signée, que j’ai retranscrite et vous propose, parce que ce poème n’a pas trop mal vieilli, seules les couleurs des uniformes ont changé ! 😦

Le Mal

Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;
Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;

Tandis qu’une folie épouvantable broie
Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ;
– Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !…

Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ;
Qui dans le bercement des hosannah s’endort,

Et se réveille, quand des mères, ramassées
Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !

Arthur Rimbaud

Le manuscrit de mon image ressemble étrangement beaucoup à celui-là. 😉